Patrice Deguette
Responsable de Pôle ITAM @SCC HYPERSCALE FRANCE
Surveiller la conformité contractuelle de ses licences, optimiser ses consommations, acheter au plus près de ses besoins, mesurer les effets de ses investissements, contrôler son impact environnemental, aujourd’hui l’ITAM est en mesure d’aider les entreprises sur l’ensemble de ces objectifs. Mais il requiert méthodologie et stratégie.
HAM + SAM = ITAM
L’ITAM (ou IT assets management) compose la gestion des actifs informatiques de l’entreprise, on premise et dans le cloud, hardware (HAM) et software (SAM), avec comme caractéristique commune une gestion tout au long du cycle de vie desdits actifs.
Les entreprises connaissent bien le HAM. Après tout, la gestion des actifs matériels est pratiquée de longue date. Ce processus d’inventaire et de suivi des composants informatiques physiques a de nombreuses vocations, en commençant par une meilleure gestion des risques (sécurité comme gouvernance), la réduction des coûts de maintenance, une planification budgétaire améliorée notamment.
Le SAM est plus récent, ne serait-ce que parce qu’il était plus complexe de gérer de l’immatériel et, disons-le, il n’existait pas formellement de solution adaptée à la gestion des actifs logiciels avant quelques années. Mais le manque de maîtrise des budgets liés à la multiplication des licences logicielles et l’adoption du Cloud a incité les éditeurs à innover pour donner aux entreprises de nouvelles sources d’optimisation.
Ces deux processus sont maintenant très complémentaires et l’on gère avec le même soin tous ses actifs, qu’ils soient matériels ou immatériels. Les outils d’ITAM permettent d’automatiser autant que possible les tâches liées aux actifs, c’est-à-dire la gestion des contrats et des achats, les inventaires, la conformité, l’optimisation, le recyclage ou la revente (il existe d’ailleurs en Europe un intéressant marché de l’occasion sur la partie logicielle).
Ne pas confondre l’outil et la démarche
Si la plupart des solutions d’ITAM s’adressent en priorité aux grands comptes, les grandes ETI peuvent aussi avoir un intérêt à adopter un outil dédié, mais encore faut-il que cela soit vraiment pertinent. Beaucoup préfèrent procéder à un état des lieux (logiciel en particulier), tous les 6 mois environ. Il s’agit toutefois de détenir la méthodologie et les connaissances licensing utiles pour ce faire.
Comme chaque fois pourrait-on dire dans ce type de démarche, le choix d’une solution ne doit intervenir qu’en fin de réflexion. L’ITAM est d’abord un process qu’il faut savoir mettre en œuvre : définir sa méthodologie et l’intégrer aux processus préexistants. L’outil quant à lui apporte l’automatisation (que l’on apprendra vite à apprécier cela dit), mais ne fait que refléter la méthode d’ITAM que l’entreprise aura choisie.
Si beaucoup de grandes entreprises optent pour conserver l’ITAM en interne, il arrive fréquemment que certains pans de la démarche soient moins bien couverts et l’externalisation de ces aspects revêt alors un caractère additionnel. « L’autarcie en ITAM n’existe pas » explique Patrice Deguette, responsable de pôle ITAM, SCC HYPERSCALE FRANCE. « Nos clients nous confient des parties de leur ITAM en raison notamment d’une nette pénurie de compétences dans ce domaine. Nous intervenons également pour les aider à monter leur cellule HAM/SAM et à construire leurs processus ».
Quant aux ETI, le marché de l’outillage ITAM ne leur est pas très favorable. « Il existe peu d’outils d’ITAM abordables pour une entreprise de taille intermédiaire. Nous les équipons de solutions qui ont fait leur preuve, fiables, à un coût raisonnable dans le cadre de nos offres packagées ».
Conformité ou optimisation ?
Il va de soi qu’un des grands intérêts d’un processus ITAM est de permettre aux entreprises de passer haut la main les audits éditeurs et de s’affranchir de tout éventuel risque financier. Il s’agit d’ailleurs d’un axe prioritaire pour les décideurs, les processus d’ITAM étant alors généralement conçus dans ce but. Pourtant, en faire une priorité peut être une erreur stratégique.
L’ITAM en tant qu’outil de conformité contractuelle permet d’éviter certains coûts supplémentaires de pénalités, de régularisation, voire dans certains cas, de réputation. L’ITAM en tant que solution d’optimisation recouvre autrement plus de possibilités. À fonctionnement égal, faire baisser ses dépenses (de licences notamment) devrait être la première motivation. À ce titre, le FinOps est une évolution naturelle du SAM puisque l’enjeu demain sera de gérer la bascule dans le Cloud. C’est un domaine complexe, qui relève d’une véritable culture d’entreprise, sous-tendue par un objectif fondamental : la mesure de l’impact des investissements cloud sur le business. C’est aussi sous cet angle, cette perspective, que la démarche ITAM porte le plus ses fruits.
Mais alors avec l’ITAM, peut-on aller au-delà de la gestion des actifs ? On s’aperçoit que l’ITAM est particulièrement transverse. À travers ses enseignements, il peut s’adresser autant à la DSI qu’au service achats, au risk manager, aux utilisateurs que l’on souhaite former aux notions de coûts, à la direction naturellement en tant que sponsor, etc. Il peut également concerner des domaines qu’il n’adressait pas jusque là.
Vers une RSE mieux documentée et mieux chiffrée
Le HAM en particulier n’est donc pas récent, mais à travers l’ITAM, il retrouve ses lettres de noblesse dans le cadre des politiques RSE. « Les responsables RSE manquent cruellement de données chiffrées notamment sur la consommation des ressources numériques de l’entreprise » explique Patrice Deguette. L’ITAM apporte d’utiles informations relatives à l’obsolescence du matériel, leur recyclage et la gestion de leur fin de vie. C’est d’autant plus éclairant sur la partie logicielle, qui impacte lourdement le bilan énergétique des datacenters. Les rapports d’optimisation sont valorisés au regard des objectifs sur lesquels les entreprises s’engagent désormais.
« J’achète ce que j’utilise, et j’utilise ce que j’achète » devient un leitmotiv. C’est une petite révolution dans l’entreprise, qui a tendance à surdimensionner ses ressources, dans le doute et parce que l’évaluation des besoins créés par la croissance demeure complexe à réaliser. Il y a certainement aussi un biais d’optimisme, et tant mieux dans un sens. L’entreprise prospère parce que ses dirigeants font preuve d’une attitude positive et confiante. C’est pourquoi maîtriser ses ardeurs n’a pas pour but de minimiser les résultats futurs, mais de ne consommer que ce dont l’entreprise a réellement besoin. C’est la gestion « en bon père de famille » appliquée à un niveau macro que seules la protection de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique permettent. Ni trop ni trop peu, ce sont des économies d’argent à la clé certes, mais surtout une forme de partage des ressources et moins de pression exercée sur les capacités de la planète.